dimanche 14 septembre 2014

14 : Être persan en Arménie


L'Araxe,  en persan ارس  Aras, est souligné en bleu gras. 
Une partie de ses eaux se jette directement dans la Caspienne.

Malgré mes promesses, je n'irai pas contempler le mythique fleuve Araxe, qui sortait du paradis terrestre selon la Genèse. 
En hébreu et en grec, son nom signifie "impétueux" : "ce fleuve est grand et si rapide qu'il n'y a ni digues, ni autres bâtiments qu'il n'emporte. Le bruit de ses eaux effraie ceux qui l'entendent. Le courant entraîne les bateaux avec une telle impétuosité qu'il leur fait faire cinq cents pas en un instant. On a essayé plusieurs fois de construire des ponts mais tous ont toujours été emportés".

L'Araxe est encore cité par Hérodote, Xénophon dans l'Anabase (La Retraite des Dix-Mille en Arménie après la mort de Cyrus le jeune), Virgile, Sénèque, Pline, Tacite, Ptolémée... 
A l'époque moderne, c'est l'Araxe qui marque la frontière entre le monde perse et le monde russe depuis le traité du Golestan en 1813.
Long de 1072 km, l'Araxe est maintenant un fleuve frontalier sur la majorité de son parcours entre la Turquie et l'Iran au sud, l'Arménie et l'Azerbaïdjan au nord.  

Après la construction par l'Iran et l'URSS d'un barrage au niveau du Nakhitchevan, le fleuve est forcément moins impétueux, mais ce qui m'a dissuadé d'aller le contempler, c'est qu'il est en cage !
Les berges sont inaccessibles derrière des barbelés.
Peut-on imaginer un fleuve sorti du Paradis dompté en cage ?
Qu'est devenue notre humanité sur les rives de l'Araxe ?



Du haut de la piste pour Shishkert, je vois la nouvelle route qui mène à Meghri, au fleuve Araxe, et au-delà en Iran. Cette route ne figure ni sur mes cartes, ni même sur les photos aériennes. Elle double à l'est la route qui passe par Kadjaran à l'ouest. Je n'irai pas plus loin au sud.
Du fait du blocus turco-azéri, les échanges commerciaux de l'Arménie se réalisent seulement sur deux débouchés restreints, l'un au nord par la Géorgie qui serait pénalisé par des surtaxes, et l'autre au sud par l'Iran. A vol d'oiseau, la frontière avec ce dernier s'étend sur 34 km, et il existe un seul pont sur l'Araxe entre Agarak et Nordooz.


Sur cette route, les camions iraniens se succèdent. Parmi eux les camions citernes sont majoritaires.
De fait, l'embargo international qui est censé mettre l'Iran à genoux a toujours été contourné, ici et ailleurs, au vu et au su du monde entier, au grand dam des gendarmes de la planète.
Sur ce thème-là, les cris d'orfraies des présidents américains sont bien le pendant occidental des vitupérations théâtrales d'Ahmadinejâd, et nous en sommes les spectateurs consternés.

Il semblerait que l'embargo ne concerne pas non plus le commerce avec l'Allemagne.



Dans le Siunik, la publicité est trilingue, mais le russe a disparu au profit du persan. Je suis déçu de ne pas retrouver parmi mes photos les alléchantes affiches en persan pour les "night-clubs" qui concurrencent efficacement la mosquée bleue d'Yérévan auprès des touristes privilégiés de la République Islamique comme des chauffeurs de poids lourds tabrizis.
... malgré les cris d'orfraies des ayatollahs ?

L'entrée du marché couvert à Yérévan

A Yérévan, la mosquée bleue, bâtie au XVIII ème siècle, a pourtant bénéficié des techniques de restauration à l'ancienne financées par l'Iran, et offre un havre de calme et de tranquillité à deux pas du marché couvert. J'y ai rencontré un peintre iranien qui m'a montré ses portraits sur l'écran de son téléphone, et n'avait pas la patience d'attendre l'élaboration laborieuse de mes phrases en persan. Mon élocution est certes rouillée, mais je suppose aussi que mes éloges manquaient de sincérité à ses yeux... C'est dans l'ascenseur de l'hôtel Lernagoris à Kapan que j'ai eu quatre étages pour préciser que j'étais farânsavi.



























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