jeudi 11 septembre 2014

11 : Petites, jaunes et effilées


Sur l'asphalte retrouvé, que je vais devoir suivre sur 10 km, un vieil homme roule son charriot-landau chargé de bois. Je n'ai pas la permission de le photographier. Pour quelques portraits autorisés que vous avez vus, j'aurai eu six fois plus souvent des refus, de la part des femmes comme de celle des hommes. Quant aux enfants, c'est toujours "niet !". Le prétexte est l'absence de peigne ou de rasoir ! M'étonnant de cette pudeur auprès d'arméniens anglophones, il me fut répondu qu'une photo était un instant de vie privée qui ne pouvait être pris à la légère. 




A Kapan, où je suis arrivé, je loge à l'hôtel Lernagoris, et j'ai vue sur la cathédrale moderne qui obéit aux canons architecturaux classiques. De l'autre côté, j'ai le nez sur le linge qui sèche : les cordes qui longent les immeubles coulissent sur des poulies pour envoyer le linge à l'autre bout de la façade. 
Je reviendrai à Kapan, qui compte 50.000 habitants, pour vous faire visiter cette petite ville attrayante en détail. 
Aujourd'hui, je poursuis ma quête des monastères, nous partons à pied pour celui de Vahanavank. De la multitude des noms de monastères se terminant par վանք "-vank", je déduis que cette finale signifie "monastère".
Je refuse le taxi évidemment. En réponse apitoyée à mes questions, la distance est très élastique pour ne pas m'effrayer : 3 km à la sortie de l'hôtel, ce n'est rien, 7 km au bout de 2 km, ça m'amuse, 12 km après 1 heure de marche, l'incertitude me gagne... En fait, ce sera 10 km exactement.


J'emprunte un sentier hasardeux qui longe les jardins potagers derrière les immeubles, et rencontre deux jeunes gens. A mes questions sur l'itinéraire, ils optent d'emblée pour l'asphalte une fois de plus, et vont m'accompagner jusqu'au monastère pour pallier les difficultés d'explications.
Ce sera ainsi, les gestes ne remplaceront jamais les mots en Arménie. Mes interlocuteurs seront souvent un peu manchots, j'aurai beau faire de grands gestes et battre des ailes comme un moulin, ils lèveront rarement la main pour m'indiquer une direction à droite ou à gauche. J'apprendrai vite прямо, priamo, tout droit, mais cela ne bifurque pas beaucoup...


Le monastère de Vahanavank date des X ème et XI ème siècles. Il séduit par son cadre à l'orée des bois et par sa couleur claire sous le soleil. Son haut tambour octogonal est bien structuré d'arcatures. Sa couverture de tuiles, pour moderne qu'elle soit, a le mérite d'être chaleureuse.






J'y allume une petite bougie jaune effilée, que mes compagnons sont allés chercher. J'ai bien peur qu'ils aient oublié de la payer.
Les monastères que je visiterai seront toujours ouverts, même les plus déserts, et les bougies disponibles à discrétion. Le prix de la bougie est déposé dans une coupelle : 60 drams (11 centimes d'euro) pour les plus courantes, petites, jaunes et effilées, vous l'avez compris.
Dans les grands monastères le choix s'élargit à des bougies plus grandes, et parfois, luxe suprême, à des bougies blanches à 100 drams.
Vous constatez que les bougies sont plantées dans un bac de sable rectangulaire, souvent noyé d'eau. Les petites boîtes d'allumettes ne manquent jamais. Ici, le bac a été nettoyé, mais le plus souvent s'y agglutinent quantités de bougies éteintes que je rallume consciencieusement pour ranimer les prières qu'elles exportent vers les cieux.


Je ne me souviens plus quelle est la mienne, 
celle au premier plan, je crois.

Dans le bus qui me ramène au centre-ville, j'apprends les bonnes manières. Le caissier est séparé du chauffeur par une estrade couverte d'un tapis sur lequel il prépare à l'avance des petits tas de monnaie tous identiques. C'est la monnaie rendue sur la pièce que chaque passager dépose. J'apprends ainsi que tout le monde dépose la même pièce avant de ramasser un petit tas. Je suppose qu'un tas se compose de la mitraille, 10, 20 et 50 drams, et l'apport serait de 100 drams, la pièce la plus courante dans les porte-monnaie. 20 drams pour 6 km, ça paraît raisonnable (4 centimes d'euro). Mon compagnon paye pour moi, et je vis de suppositions non confirmées pour le moment.








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