mercredi 17 septembre 2014

17 : Les pèlerins montent au ciel




Grâce à cette photo aérienne, vous allez comprendre mon trajet dans les gorges du Vorotan : le 8 septembre, d'ouest en est, j'ai descendu le cours dessiné dans le coin supérieur gauche, puis le 16 septembre j'ai remonté d'est en ouest le cours dans le coin inférieur droit sans rejoindre mon premier trajet. En effet, le 9 septembre j'avais tenté en vain de continuer le parcours au fond des gorges, et j'étais alors monté au monastère de Tatev.



Regardez bien cette photo, prise au soleil levant, depuis ma tente. Au sommet, se détache un  petit belvédère que j'ai agrandi sur le cliché suivant. Il est flou, mais discernable. Dans quelques heures, je prendrai le cliché inverse, depuis ce point de vue vers le fond des gorges.



Il a fallu, une fois de plus, que je passe à gué. Il y avait bien des rochers permettant un passage à sec, mais je n'ai jamais la certitude d'échapper au déséquilibre provoqué par ce traître de sac quand je dois sauter. Sec, j'ai de la peine à me relever si je suis accroupi et j'imagine mes difficultés à surnager alourdi dans le courant. A ce stade du voyage, le sac et moi sommes dans un état de haine mutuelle définitive. 
Alors, voilà la tenue du passeur de gué : chaussures et casquette dans le sac pour éviter de les perdre, sandales aux pieds pour amortir l'étreinte des galets, sac dénoué à la ceinture pour m'en débarrasser rapidement si nécessaire, pantalon relevé au maximum, poches vides sans argent, attention soutenue envers l'appareil photo et la pochette du passeport, et bien sûr confiance en ma bonne étoile. Il manque le bâton qui compense en aval la force du courant, et n'était pas nécessaire ici.




En longeant la rivière, je revois sous un autre angle le monastère de Tatev qui se détache sur le ciel, et plus proche de moi l'ermitage des XVII ème et XVIII ème siècles, Anapat Tatevi en arménien, qui comporte une église, un réfectoire et des cellules. En fait, cet "ermitage" est un monastère lui aussi, et les ermites sont des moines pas si solitaires que ça. 




Le téléphérique qui franchit les gorges du Vorotan, pour relier le monastère de Tatev au monde et au tourisme, est le plus long sur terre : 5,7 km à une altitude de 320 mètres sur le point le plus élevé de son parcours. Les cabines emportent 25 passagers pour un spectacle grandiose, céleste certes, mais trop confortable pour moi qui peine avec ferveur, pas après pas dans ce chaos, négligeant le temps au rythme de l'espace.

Voici ce petit belvédère 
qui dominait ma tente de 335 mètres la nuit dernière. 

Voici la vallée que j'ai parcourue, en sautant d'une rive à l'autre.


Et voici, au sommet de l'autre côté,
le plateau clair du village de Bardzvaran d'où je suis descendu.




Sous cet abri pour pique-niqueurs, comme il y en a partout, je dis quelques mots à ce vieil homme qui tient sa béquille sur la table.


Je vais ensuite marchander son tarif à un conducteur qui attend les passagers du téléphérique, et le payer encore grassement pour qu'il me dépose à Verishen, d'où j'espère pouvoir atteindre le Lac Noir à 2661 mètres d'altitude.



Las ! Ce n'est décidément pas la bonne saison pour prendre un peu d'altitude. Il pleut, tout est gris. J'insiste quand même en poursuivant la marche, je patiente à deux reprises dans des abris. La brume s'installe, je finis par renoncer, je descends à pied vers Goris, la ville du coin. Le lendemain me donnera raison : Goris sera noyé dans le brouillard, et les sommets resteront invisibles.

Je suis salué dans la rue par un "Bonjour !".
Ai-je l'air si français ?
Bien qu'elle n'ait jamais mis les pieds en France, mon interlocutrice parle un français idéal, et je tente de l'imiter. Elle est enchantée d'échanger quelques mots. Après que je lui ai demandé pourquoi les arméniens sont réticents devant les photographes, elle n'a pas la réponse et accepte de poser. Cela implique, ici aussi, un air sérieux et figé auquel nous ne sommes pas habitués.








Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire