mercredi 10 septembre 2014

10 : Voyager, c'est poser des points d'interrogation



Au réveil et au menu : petites prunes rouges bien mûres qui ne choient pas sur la tente. Je les cueille, je les mange, sans me poser de question.


Le long des routes et des pistes, les tombes sont fréquentes, personnalisées par une gravure qui est souvent un portrait. Ici, il s'agit d'un camion, plus loin ce sera un tracteur. Le camion-benne de ce chauffeur a quitté l'asphalte dans un lacet en forte déclivité en 1988. Il connaissait pourtant bien la route, qu'il empruntait pour rentrer chez lui dans un village des environs. C'était l'hiver, il avait 35 ans. 
Sur quel argument, ai-je localisé son domicile ? Je ne lis pas l'arménien.



Dans le village de Verin Khotanan, après avoir croisé ce cavalier, je demande où trouver une fontaine. Je ne sais pas dire fontaine. Quel mot vais-je employer à votre avis ?
... вода (voda, qui signifie... eau, en russe)
Pas d'eau, les fontaines sont à sec ! 
Trois femmes vont remplir ma gourde à domicile : j'en déduis qu'il y a encore de l'eau au robinet. 


Chaque république soviétique avait ses spécialités pour alimenter le marché de l'Union : ces machines agricoles orangées viennent toutes du Kirghizstan. Qui m'en précisera la fonction ?



Les dents en or sont monnaie courante ici, les yeux bleus sont plus rares, la chemise est propre, le rasage n'est pas quotidien. Je n'ai qu'un seul point commun avec cet homme, lequel ?


Non seulement, j'ai de l'eau, mais maintenant j'ai une bouteille de Pulpy orange.
Avec la gourde, la thermos et le Pulpy mon sac prend trois kilos !
Il devient insupportable. C'est une affirmation.


Et maintenant deux pommes, trois poires 
et combien de grammes en plus ?
J'apprécierai le cadeau à la prochaine étape, évidemment.


Entre deux villages, je découvre un petit ruisseau et je saute sur l'occasion : bain, shampoing et lessive. Salle de bain en plein air, c'est très agréable et délasse les épaules aussi bien que l'esprit, mais j'avoue préférer n'être pas surpris au cours de ces activités privées. 
Cela va-t-il m'arriver ? Réponse dans quelques jours.



Encore un bout de mail :
Hier, je passe devant un vaste et chic lieu de grandes réceptions pour nomenklaturistes. Il y a une piscine et des transats, personne pour en profiter... 
Je tente le coup, trop beau pour être vrai. Oui, je suis un petit français bègue et rachitique, et je suis propre comme un sou neuf. C'était vrai, je venais de m'allonger tout nu sur le dos dans un ruisseau qui peinait à me recouvrir à moitié et j'étais shampouiné et lessivé.

Je peux plonger ?
"Da ! No problem". 
"Je n'ai pas de maillot, j'ai un boxer quand même", c'est pas un ruisseau ici.
No problem !
Pendant le bain, Пожалуйста, pajalousta, je vous en prie, pouvez-vous faire bouillir de l'eau pour ma thermos ? (mot international).
No problem !
J'en ai fait des allers-retours sur le dos, c'était trop bon, presque la Grande Grève !
Spassibo, bolchoï spassibo.
"J'ai vu un miroir dans les toilettes, je peux me raser ?" 
Niet !!! 
Ah... J'en ai conclu que j'étais trop beau dégoulinant de ma barbe encore noire, et j'ai fait le sourire carnassier avec le regard de cocker car pour le regard velouté, faudra repasser.



 

Ramenant ses vaches vers l'étable avec une infinie patience dont elles abusent, ce villageois, surpris par ma présence, me sourit, me serre la main, et m'autorise à passer la nuit près de la rivière qui couvrira les bruits de la route. 
Couvrir les bruits, est-ce toujours souhaitable ?


Dans ma tente, au pied de cet arbre, sous les bureaux des mines de cuivre que j'ai dépassées sur la route, je dois chasser les moustiques-tigres qui, ici, ont bien les couleurs du félin : noir et orangé. Transmettent-ils le chikungunya ?
Et les tiques, dont j'ai trouvé l'une planquée dans ma tente et les trois autres plantées sur ma peau, transmettent-elles la maladie de Lyme ?















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